Quand l’eau entre, on perd vite ses repères. Pourtant, après une inondation, les premières décisions font toute la différence entre une remise en état rapide… et des mois de galère. Ce guide pratique vous aide à agir vite, mais bien, en évitant les pièges qui coûtent cher (santé, temps, assurance). Suivez l’ordre proposé : sécurité, pompage, assèchement, désinfection, démarches, puis réparations et prévention.
Vos priorités dans les premières heures :
- Sécuriser (coupures, structure, EPI).
- Évacuer l’eau sans aggraver les dégâts.
- Tracer les preuves (photos/vidéos/inventaire) pour l’assurance.
0–6 h : sécuriser les lieux et évacuer l’eau
La première chose à faire lorsque l’on subit une inondation, c’est de couper immédiatement l’électricité au disjoncteur principal. Surtout si l’eau a atteint des prises. Il peut être aussi pertinent fermer le gaz si nécessaire. Portez des EPI (bottes, gants étanches, masque P3 si boues), et vérifiez l’intégrité : fissures, affaissement, murs gorgés d’eau. En cas de doute structurel, n’entrez pas ou restez au rez-de-chaussée seulement.
Évaluez la nature de l’eau :
- Pluviale ou de crue : boues, micro-organismes, parfois hydrocarbures.
- Eaux usées : contamination élevée → protocole de désinfection renforcé.
Pompage : le bon outil, au bon rythme.
- Commencez par évacuer l’eau par paliers : ⅓, puis ⅔, puis presque tout. Une vidange trop rapide peut déséquilibrer les poussées sur les murs (sous-sol) et provoquer des fissures.
- Utilisez une pompe adaptée au débit et à la hauteur de refoulement. Un modèle avec flotteur limite les à-coups. Pour gagner du temps et éviter les pannes, privilégiez un vide cave de haute qualité (solides, avec crépine et gestion des particules).
- Dirigez le rejet vers un point autorisé (regard pluvial, fossé, camion-citerne en cas d’eau souillée).
- Prévenez tout retour par les canalisations : clapets, bouchons provisoires, sacs de sable.
Astuce sécurité : marquez au feutre le niveau maximal atteint sur chaque mur. Ces repères aideront l’expert, guideront les découpes (plaque de plâtre/isolants) et serviront de preuve pour l’assurance.
6–48 h : assécher sans abîmer
Passé le pompage initial, la course contre la montre commence. L’objectif des deux premiers jours après l’inondation est de faire chuter l’humidité sans brutaliser la maison.
Ventilation & déshumidification
Commencez par créer un environnement de séchage stable : si l’air extérieur est plus sec que l’intérieur, ouvrez largement pour instaurer un courant d’air; si, au contraire, il fait très humide dehors (pluie continue, brouillard), fermez et travaillez en circuit fermé avec des déshumidificateurs. Un appareil à condensation fonctionne idéalement autour de 18–22 °C : maintenez cette température douce, régulière, plutôt qu’un chauffage fort et ponctuel qui « cuit » les matériaux et emprisonne l’eau.
Placez un ou plusieurs déshumidificateurs au centre des pièces sinistrées, raccordez l’écoulement en continu (tuyau vers un siphon ou un seau que vous videz souvent) et ajoutez quelques ventilateurs orientés en travers des zones mouillées pour faire circuler l’air. Le flux doit « balayer » les surfaces, pas leur souffler dessus de trop près, afin d’éviter qu’une croûte sèche ne se forme en surface tandis que l’intérieur reste gorgé d’eau. Avancez de pièce en pièce en surveillant l’hygrométrie : un hygromètre bon marché suffit pour viser un retour progressif sous 55 % dans les volumes principaux.
Démontage intelligent
Le démontage se fait avec méthode. Retirez les plinthes, ôtez les revêtements posés à même le sol (moquette, vinyle, stratifié) et ouvrez les parois qui ont bu : sur du doublage en plaque de plâtre, tracez une coupe horizontale 30 à 50 cm au-dessus de la ligne d’eau, enlevez l’isolant humide et laissez les montants respirer. Cette ouverture crée un « plénum » de circulation où l’air sec fera son effet. Les isolants fibreux saturés d’eau ne se récupèrent pas; mieux vaut les déposer tout de suite pour accélérer le séchage et limiter le risque fongique.
Traitez les sols selon leur nature. Les parquets massifs peuvent parfois être sauvés à condition d’un séchage lent et contrôlé (température modérée, circulation d’air, pas de chauffage direct); ils vont gondoler, puis se rétracter en partie en quelques semaines. Les stratifiés gonflés, eux, sont généralement perdus. Les chapes béton demandent du temps : poursuivez la déshumidification continue et faites vérifier l’humidité résiduelle avant toute repose de revêtement, faute de quoi vous piégerez l’eau sous un matériau neuf.
N’oubliez pas les « pièges à eau » : intérieurs de placards, contremarches, dos de meubles plaqués au mur, joints de seuil. Écartez le mobilier de 10 à 15 cm pour que l’air circule, ouvrez portes et tiroirs, et faites tourner régulièrement les points d’appui pour éviter les marques. Essuyez la condensation qui perle sur les vitrages et les surfaces froides : chaque goutte éliminée est une charge d’humidité en moins à traiter par les machines.
Vérifiez les mesures
Le pilotage se fait aux mesures. Outre l’hygromètre d’ambiance, un humidimètre contact (ou des relevés réalisés par un pro) vous dira où vous en êtes : bois en-dessous de 15–18 % d’humidité, parois sèches et sans points froids, chape revenue à une valeur compatible avec le futur revêtement (à faire confirmer si vous posez un sol étanche). Tant que ces seuils ne sont pas atteints, résistez à la tentation de refermer : repeindre, reposer des plinthes ou réinstaller un sol trop tôt, c’est inviter les moisissures à s’installer pour de bon.
Enfin, gardez le rythme sans précipitation. Mieux vaut dix jours d’assèchement cohérent que deux jours de « grand chaud » contre-productif. Si une odeur de moisi persiste malgré la baisse d’humidité, inspectez les zones cachées : un isolant oublié dans une cloison, une plinthe laissée en place, un caisson de cuisine fermé peuvent tout gâcher. Quand l’air est redevenu sain, que les mesures sont bonnes et que les surfaces sont froides au toucher sans être humides, vous pourrez passer à la désinfection et préparer sereinement la phase de remise en état.
Erreurs à éviter après inondation
- Chauffer fort : cela scelle l’humidité dans les matériaux et fissure.
- Pomper à 100% d’un coup en sous-sol : risque structurel.
- Refermer trop tôt (peinture, plinthes) : la moisissure reviendra.
Repères de séchage (indicatifs)
Matériau Délai moyen* Attentions Chape béton 2–6 semaines Mesures régulières CM/Trame Plaque de plâtre Remplacement si gorgée Découpe + nouvel isolant Bois massif 2–8 semaines Séchage progressif, stabilisation Isolants fibreux À remplacer Risque fongique élevé *Sous contrôle pro & déshumidification continue.
Nettoyage, tri et désinfection
Protégez-vous (gants nitrile, masque P3, lunettes). Travaillez pièce par pièce.
Désinfection
- Eau de crue/usée : nettoyez (détergent), rincez, puis désinfectez (hypochlorite à dose contrôlée).
- Surfaces alimentaires et jouets : traitement renforcé, parfois mise au rebut.
Tri
- Textiles : lavage ≥ 60°C ou pressing.
- Meubles panneaux : souvent irrécupérables si gonflés.
- Électroménager : ne branchez jamais avant contrôle.
- Documents : séchage à plat, congélation possible pour stopper les moisissures en attendant.
Déchets
- Contactez votre mairie pour les modalités post-inondation (bennes, encombrants). Les déchets dangereux (peintures, solvants, huiles) suivent une filière dédiée.
Prévenir les moisissures
- Brosse + aspirateur HEPA sur surfaces sèches, puis peinture fongicide seulement après retour à une humidité normale.
Assurances et démarches administratives suite à une inondation
Déclarez au plus vite à votre assureur (idéalement sous 5 jours ouvrés ; en cas d’arrêté CAT-NAT, suivez les indications de votre compagnie). Fournissez :
- Photos/vidéos des dégâts et du niveau d’eau (pensez aux repères muraux).
- Inventaire chiffré (marques, dates d’achat, factures si possible).
- Devis de remise en état (au moins 2 pour comparer).
Le jour de l’expertise
- Regroupez tous les éléments par zone.
- Listez les travaux urgents déjà réalisés (pompage, sécurisation) et leur coût.
- Faites valider le protocole de séchage (durées, mesures d’humidité).
Remise en conformité et réparations
Sécurité d’abord
Avant toute remise en état, faites valider la sécurité par des professionnels : un électricien contrôle les circuits, remplace les appareillages noyés, teste les différentiels et ne rétablit que les lignes saines ; un technicien gaz vérifie la chaudière, les robinets et les évacuations. Tant que ces feu verts n’ont pas été donnés, on s’abstient de rebrancher quoi que ce soit, même si « tout semble sec ».
Par quoi recommencer ?
La reconstruction ne commence qu’après des mesures d’humidité convaincantes. Faites confirmer, par hygromètre et humidimètre, que les parois ont retrouvé des valeurs compatibles avec les finitions. On remonte alors dans le bon ordre : remplacement des isolants retirés, reconstitution des doublages, traitement des bois si nécessaire, puis reprises d’enduits. Sur les sols, on corrige les défauts de planéité, on applique un ragréage si besoin et on choisit des revêtements tolérants à la vapeur au départ. Les peintures seront d’abord perméables, afin de laisser finir le séchage en profondeur avant d’éventuelles finitions plus fermantes.
Profitez de cette étape pour nettoyer ou remplacer les éléments techniques souvent oubliés : bouches et conduits de ventilation, siphons, joints, plinthes de cuisine, plinthes électriques. Les appareils électroménagers ne sont reconnectés qu’après examen ; un sèche-linge ou un réfrigérateur « qui repart » peut cacher une oxydation lente et dangereuse.
Tests finaux
Avant de fermer définitivement, réalisez un dernier contrôle croisé : relevés d’hygrométrie stables plusieurs jours de suite, absence d’odeurs, pas de traces suspectes en pied de cloison, ventilation fonctionnelle. Un passage caméra thermique ou un contrôle ponctuel par un dessiccateur professionnel peut sécuriser les zones sensibles. Conservez tous les rapports, factures et photos d’avancement : ils servent d’appui à l’assurance et vous garantissent une remise en conformité durable, sans retour de moisissures ni mauvaises surprises.
Les erreurs courantes à éviter absolument après une inondation
- Remettre le courant parce que “ça a baissé” : attendez le feu vert d’un pro.
- Chauffer à 28–30°C : vous piégerez l’humidité.
- Négliger la désinfection après eau souillée : risques sanitaires réels.
- Cacher l’humidité (peindre trop vite, reposer les plinthes) : moisissures garanties.
- Jeter sans preuve : photographiez tout ce qui part à la benne.
Quand faire appel aux pros (et comment les choisir)
Faites intervenir une équipe spécialisée si :
- Structure fragilisée, murs porteurs fissurés ;
- Volume important d’eau/boue, présence d’eaux usées ;
- Allergies/asthme dans le foyer ;
- Besoin d’un assèchement technique (dessiccateurs, séchage sous chape).
Choisir le bon prestataire
- Devis détaillé, délais réalistes, protocole écrit (mesures, objectifs, contrôles).
- Assurance RC & décennale.
- Si possible, coordination assureur ↔ entreprise pour limiter votre reste à charge.
Prévenir les prochaines inondations
Sur la maison
- Clapets anti-retour sur évacuations sensibles (WC, sous-sol).
- Drainage périphérique, regards entretenus, pompe de puisard avec alarme.
- Rehausse des seuils, seuils de garage, étanchéité des traversées.
- Électricité : prises plus hautes en RDC, coffret hors zone inondable.
Organisation du foyer
- Stockage en hauteur (documents, souvenirs, électronique).
- Plan d’urgence : coupures, numéros, sacs étanches.
- Entretien : gouttières, regards, test de la pompe avant saison.
Assurance
- Options spécifiques inondation si disponibles, valeur à neuf, franchise adaptée.
Check-list express (14 jours)
Jours 0–2
- Couper courant/gaz, EPI, repères d’eau.
- Pompage par paliers, clapets anti-retour.
- Photos/vidéos + déclaration assurance.
- Ventilation + déshumidification + début des découpes.
Jours 3–7
- Désinfection, tri, filières déchets.
- Mesures d’humidité; poursuivre séchage.
- Devis réparations, prise de RDV expert.
Jours 8–14
- Validation des mesures, remplacement isolants/doublages.
- Préparation peintures/surfaces.
- Plan de prévention (clapets, entretien).
Conclusion
Après une inondation, le réflexe naturel est d’aller vite. Le bon réflexe, c’est d’aller vite et juste : sécurité, pompage par paliers avec matériel adapté, assèchement contrôlé, désinfection, preuves pour l’assurance, réparations après validation de l’humidité. En évitant les erreurs listées ici, vous accélérez réellement le retour à la normale et vous réduisez les coûts cachés (moisissures, reprises). Enfin, transformez l’épreuve en opportunité d’être mieux préparé : clapets, drainage, organisation du foyer et entretien régulier. Votre maison — et vos nerfs — vous remercieront.